Lectures

Jean-Paul HILTENBRAND

La condition du parlêtre

Quelle est l'importance du langage et de la parole dans la vie de l'homme ? Cette interrogation n'est pas seulement celle de la psychanalyse mais bien celle vitale de l'être humain qui ne saurait se développer en dehors de ce champ de parole. L'expérimentation du roi Frédéric II de Hohenstaufen l'atteste : aucun nourrisson n'a survécu à la privation de parole.

La question se pose à nouveau frais aujourd'hui où le déficit de la fonction de la parole est notable, dans la culture numérique, les neurosciences ou l'intelligence artificielle.

L'auteur propose une lecture ouverte de ce que Freud, puis Lacan et d'autres (notamment ses patients) nous apprennent de la condition humaine. Il part à la rencontre, non de l'homme psychologique, de' lhomme philosophique ou de la religion, mais de l'homme du défaut et du manque, celui qui anthropologiquement se définit avec Lacan comme un « parlêtre », un être de parole qui échoue et produit des symptômes.


Jean-Daniel CAUSSE

Figures de la filiation


Dans un temps où la figure de l'enfant fait l'objet de nombreuses captures fantasmatiques, comment repenser la notion de filiation ? La thèse de cet ouvrage est que le mot " fils " est une définition de notre propre humanité. La filialité, en son sens profond, signifie la nécessité de reconnaître une " précédence ", c'est-à-dire le fait que nul ne peut se situer à l'origine de lui-même. C'est pourquoi l'obsession contemporaine d'un individu qui pourrait s'auto-fonder est justement à comprendre comme une haine, souvent masquée, de la filiation. Une telle haine trouve de multiples expressions, notamment le désir que le " fils " ne soit pas le nom de la nouveauté, mais seulement une perpétuation de ce qui a été. Revisiter quelques grands lieux de la pensée permet sans doute le recul nécessaire pour affronter les questions d'aujourd'hui. C'est ce qui donne forme au parcours proposé : le mythe freudien de " Totem et tabou ", le récit de la tour de Babel et l'histoire du patriarche Abraham, l'émergence de Dieu sous la figure du Fils dans le christianisme, l'articulation d'une fraternité et d'une filialité, une relecture de l'affirmation de Jacques Lacan selon lequel il n'y a pas de rapport sexuel et ses effets sur une pensée de la filiation.



Clotilde LEGUIL

L'être et le genre


Le climat du XXIe siècle est à l'affranchissement des normes de genre. Les sujets contemporains croient de moins en moins en des rôles d'homme et de femme, qu'ils n'auraient qu'à jouer comme une partition écrite à l'avance. Ils ont raison. Cette nouvelle émancipation fait-elle pour autant disparaître la valeur de la question du genre dans une existence ? Que reste-t-il du genre une fois que l'on en a déconstruit les normes ?Avec Lacan, la psychanalyse a ouvert la voie à un abord du genre qui fait voler en éclats tous les stéréotypes et introduit du trouble en chaque être. Les études de genre lui sont en cela redevables. À partir de figures d'hommes et de femmes hors normes au cinéma (de Billy Wilder à Guillaume Gallienne), dans la littérature contemporaine (Édouard Louis, Catherine Millet, Delphine de Vigan, Pascal Bruckner), Clotilde Leguil nous montre ce que peut signifier « être un homme » ou « être une femme » au XXIe siècle par-delà toute norme.


"Je"

Clotilde Leguil


Il y en a aujourd'hui qui haïssent le « Je », qui déclarent sa fin prochaine, ou même sa disparition accomplie. Il y en a qui préfèrent le « Nous », l'identité qui peut se partager ; d'autres encore qui préfèrent le « Il » scientifique, l'identité qui peut se compter. Comment alors continuer à être « Je » lorsque l'époque tend à faire disparaître la nécessité d'un rapport subjectivé à son existence ? Le narcissisme de masse se présente paradoxalement comme un effort pour continuer à exister en première personne dans le monde uniforme de la mondialisation. Mais ce narcissisme de masse n'est-t-il pas un autre piège ? Le déchaînement des passions sur les réseaux sociaux, la mise en scène de sa vie privée, le partage de son intimité, nous aident-ils vraiment à retrouver notre singularité perdue dans l'univers irrespirable de la quantification de soi et de la marchandisation des expériences ? Parier sur le « Je » offre une autre voie que le narcissisme. Parier sur le « Je », c'est accepter de miser sur la parole et le langage, c'est continuer de croire avec Freud et Lacan dans les messages de ses rêves et de ses cauchemars, c'est ne pas suturer la dimension de l'inconscient. Parier sur le « Je », c'est faire une traversée : la traversée des identités.


Eloge de la dette

Nathalie Sarthou-Lajus


La crise des dettes appelle une réflexion philosophique au-delà de l'analyse économique et sociologique par ailleurs indispensable. Car la dette ne désigne pas simplement un fait économique (ce que je dois) ou social (une relation d'obligation) fondamental, à côté de l'échange et du don. Elle est indissociable de la question des origines. Se demander avec saint Augustin : « Qu'avons-nous que nous n'ayons point reçu ? », c'est reconnaître une expérience fondatrice de la dette qui fait de l'homme un héritier et du lien de filiation un paradigme de la condition de l'homme débiteur. Si sous sa première forme, le capitalisme a participé à l'émancipation de l'individu et à la libération de toute forme de dette congénitale, il a ensuite contribué à forger des débiteurs insolvables en vidant l'individu et le lien social de toute substance propre. L'utopie d'une société sans dette, en voulant faire table rase des origines, débouche sur la production d'individus désaffiliés sur lesquels pèsent à rebours des dettes impayables.

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